Rendu visible by Darren Copeland

[EN]
Rendering the Visible—With Hesitation
The visual analogies used not only in the titles of the works on this disc, but in works by many acousmatic composers in recent years, point to an ironic fact of life. This is that the people using these analogies are people who can both see and hear. In fact, it is not hard to declare that almost every acousmatic composer — perhaps almost the entire listening audience for acousmatic art — belongs to the sighted world. Acousmaticians belong to the sighted world, because it is the eye that, for the most part, gets them to and from their studio sessions, and it is the eye that is used to substantiate the world around them.
It is difficult to find a work in my repertoire from the nineties which does not make reference either in the title or the program notes to some type of visual stimulation. In many cases, the references speak of sound restoring vision to the imagination of the listener. For example, the title of this disc is “Rendu visible” (Rendered Visible). Which could be interpreted to mean that a composition using real world sounds is able to re-awaken latent visual imagery in the mind of the listener, as if this disc was really an empty canvas or a fresh stock of film. This is best illustrated in “Night Camera”, where the three recorded soundscapes furnish the listening imagination with a magical lens for viewing invisible worlds.
But isn’t it interesting that for some people sound lifted from real-life experience has a more direct impact on their visual rather than their aural imagination. Real-world sounds can invite listeners into imaginary worlds composed from fragments of their past experiences. If a listener is sighted, then any illusions would likely be visual. But what if a listener is congenitally blind? What worlds in that person’s aural imagination would be linked to the worlds represented on this disc? What other sensations — outside of the aural — would he or she feel? Visual analogies are often made by listeners in response to my compositions, but not every listener will in the end possess an imagination that draws on sight. Therefore, I accept my dependence on these visual analogies with some hesitancy, since their presence inevitably exposes a strange contradiction. The contradiction is that a visually-oriented imagination is engaged in all facets of an art form, which, in both production and presentation, is intended to be an auditory endeavour.
There is one other cause for hesitation when it comes to framing my works with visual analogies, or perhaps with any other analogy from life experience. This concern is rooted in the fact that it is virtually impossible for me, at the present time, to stipulate what visual image or associated meaning is being evoked for any person at any particular moment on this disc. Not until credible studies are undertaken about the imagination’s ability to visualize from sonic sensory input alone can I comfortably approach composition outside of the realm of musical abstraction. Without such research, there will be no practice of phonography, or no sound art free of music’s paradigmatic and parental authority. Such research will endow the art of phonography with a dictionary from which a sonic language based on the imagistic properties of real world sound can only ever evolve. Therefore, until such a time, I remain a musician and not a phonographer, despite how unpleasant the shoes may look and feel.
– Darren Copeland, Mississauga (Ontario) [x-98]
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[FR]
Rendre le visible — avec hésitation
Les analogies visuelles, qu’on retrouve non seulement dans les titres de ce disque mais également dans les œuvres récentes de nombreux compositeurs acousmatiques, font ressortir un fait ironique. Ceux qui ont recours à ces analogies ont bien évidemment la capacité de voir et d’entendre. En fait, il n’est pas difficile de constater que presque tous les compositeurs acousmatiques — peut-être même presque tout le public d’art acousmatique — font partie du monde des voyants. Les acousmaticiens font partie du monde des voyants parce que c’est en grande partie la vue qui leur permet d’aller et de venir de leurs sessions de studio, et c’est elle qui confirme le monde qui les entoure.
Il est difficile de trouver, parmi mes compositions des années 90, une pièce qui ne fait pas allusion, par son titre ou dans les notes de programme, à un contenu visuel de quelque sorte. Dans bien des cas, les allusions renvoient au son qui rétablit la vue dans l’imagination de l’auditeur. Par exemple, «Rendu visible», le titre de ce disque, pourrait suggérer l’interprétation suivante: une composition qui utilise des sons provenant du monde réel peut réveiller l’imagerie visuelle latente dans l’esprit de l’auditeur, comme si ce disque était réellement une toile vide ou une pellicule vierge. «Night Camera» en est la meilleure illustration: les trois paysages sonores enregistrés offrent à l’imagination auditive une lentille magique permettant de voir des mondes invisibles.
Mais n’est-il pas intéressant de constater que, pour certaines personnes, les sons tirés du quotidien ont des conséquences plus directes sur leur imagination visuelle que sur leur imagination auditive. Les sons du monde réel peuvent inviter les auditeurs à entrer dans des mondes imaginaires constitués de fragments de leurs expériences passées. Si un auditeur est voyant, il est probable que les illusions seront visuelles. Mais qu’en est-il pour un auditeur nonvoyant de naissance? Quels mondes situés dans son imagination auditive s’associeraient à ceux représentés sur ce disque? De quelles autres sensations — autres qu’auditives — fera-t-il ou elle l’expérience? Mes compositions déclenchent souvent des analogies visuelles ches les auditeurs, mais en fin de compte, tous les auditeurs ne possèdent pas une imagination qui puise dans la vue. C’est donc avec une certaine hésitation que j’accepte ma dépendance vis-à-vis de ces analogies visuelles parce que leur présence révèle inévitablement une contradiction étrange: le fait qu’une imagination visuellement orientée soit impliquée dans tous les aspects d’une forme d’art qui se veut une entreprise auditive, autant dans sa production que sa présentation.
Il y a une autre raison pour cette hésitation à encadrer mes pièces à l’aide d’analogies visuelles, peut-être même de n’importe quelle autre analogie tirée de l’expérience quotidienne. Cette préoccupation vient du fait qu’il m’est impossible, en ce moment même, de présumer des images visuelles ou des significations dérivées qui seront évoquées pour quiconque à quelque moment que ce soit de ce disque. Aussi longtemps qu’aucune étude crédible ne sera entreprise au sujet de la capacité de l’imagination de visualiser à partir de stimuli sonores, il m’est impossible d’envisager avec aisance la composition en dehors du domaine de l’abstraction musicale. Sans une telle recherche, il ne peut y avoir ni pratique de phonographie, ni art sonore qui serait libre de l’autorité paradigmatique de la musique. Une telle recherche doterait l’art phonographique d’un dictionnaire sans lequel un langage sonore fondé sur les propriétés imagières des sons du monde réel ne peut se développer. En attendant ce moment, je demeure donc un musicien plutôt qu’un phonographiste, aussi inconfortable soit l’habit.
– Darren Copeland, Mississauga (Ontario) [x-98]
Tracklist
1. | Rendered Visible | 5:43 |
2. | Reaching for Tomorrow | 9:50 |
3. | Night Camera, 1: Maritime Vision | 8:11 |
4. | Night Camera, 2: Prairie Dream | 8:32 |
5. | Night Camera, 3: Vanishing at Sea | 8:02 |
Credits
empreintes DIGITALes 1998
Image: Mark Mushet
Conseil des arts du Canada
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